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sweetlullabies
10 juin 2009

Mlle Legourdin a une jumelle

Dans ma classe de CE2 d'aujourd'hui, il y a (parmi tant d'autres!) Jimmy. Grand, très fin, avec des yeux d'un bleu très clair qui semblent laisser transparaître un peu trop de vague à l'âme. Mais le plus étonnant, c'est ce décalage incroyable entre son apparence physique, et le son de sa voix... J. a une toute petite voix, perchée bien trop haut pour un garçon qui fait deux ans de plus que son âge. Dans la cour, Jimmy est trop violent, s'emportant facilement et contrôlant mal ses colères. En classe, le peu d'acquis qu'il a se révèle fragiles et en décalage avec le reste de la classe,... il aurait probablement sa place en CE1. Un candidat au redoublement presque trop évident... 

Jimmy est affublé d'un PPRE (ndlr: un de nos barbarismes pédagogiques! le programme personnalisé de réussite éducative... il faudra que je vous parle de cette curieuse manie qu'ils ont de jouer de l'abréviation constamment), d'un signalement "enfance en danger" et d'un éducateur. Le papa a disparu... Une collègue m'apprend que la maman de Jimmy vaut son pesant d'or... Elle refuse tout net qu'il fasse ses devoirs, puisqu'il doit s'occuper de sa petite soeur. A 8 ans, c'est lui qui fait tout à la maison... On la soupçonne aussi de le battre, mais avec J., il est difficile de savoir avec exactitude d'où viennnent les bleus... Sa chère maman, pour se défendre, n'a rien trouvé de mieux que d'accuser la maîtresse de J. (en CE1) d'être à l'origine des ecchymoses (of course)...

Curieuse coïncidence d'ailleurs... Alors même que tous mes élèves se lancent avec un enthousiasme démesuré dans la confection de leur cadeau pour maman (faut dire que la maîtresse a sorti la peinture!!!!), Jimmy refuse tout net de participer et se plaint d'avoir "mal partout", les larmes aux yeux.

Ce fut donc l'occasion de rencontrer la maman de "mon" Jimmy.

Tout un poème, ... sans un gramme de poésie. Une femme très grande, elle aussi, est arrivée dans ma classe en pestant que cela lui était extrêmement pénible (mais en des termes beaucoup moins bien choisis) de faire les 300 mètres jusqu'à l'école pour venir récupérer son fils, surtout que ce n'était pas prévu... Le tout dans un langage bien moins châtié que le mien, soupirs poussifs de rigueur. J'aperçois dans ses pattes une toute petite fille qui doit avoir à peine 2 ans. Une tétine capsulée sur la bouche, les mêmes grands yeux bleus que son frère me fixent, avec la même ombre légère et indescriptible plantée tout au fond de ce regard incroyable. Mais j'ai à peine le temps de l'apercevoir, Mme T. ayant attrapé son fils qui traînait trop à se redresser, le houspillant et lui arrachant des mains la veste qu'il tentait de mettre. Un phénomène digne des meilleurs Roald Dahl. Une Mlle Legourdin en puissance (si vous ne voyez pas de quoi je parle, courrez emprunter Matilda, de l'auteur cité plus haut...) Pas un soupçon de tendresse ou de douceur, le tout aussi brut qu'un coeur de granit. J'ai eu l'illusion une seconde que le phénomène s'était éloigné aussi vite qu'il était apparu.... Mais elle n'avait pas fait trois pas dans le couloir qu'elle a cru bon de nous rejouer son entrée, avec toujours autant de douceur et de légèreté, pour me signifier que j'avais intérêt à la rappeler s'il se plaignait de quoi que ce soit... "que ces ######## de gosses (regard accusateur sur quelques uns de mes élèves) l'avaient tabassé et que depuis il était en danger de mort imminente s'il se plaignait d'avoir mal au ventre".

Acte 2 scène 3. 14h00. Jimmy est déjà de retour dans mes rangs. Je ne peux pas manquer sa maman qui se tient juste à ses côtés. Qui est revenue m'informer que Jimmy va mieux, mais qu'il ira moins bien (?) à 16H30 et qu'il ne pourra pas venir à l'aide personnalisée que notre cher ministre lui offre deux soirs par semaine pour apprendre à calculer d'horribles additions et soustractions (10-3????... je vous avais dit qu'il aurait sa place au CE1). Elle ajoute, parce qu'elle ne semble pas être de ceux que l'on peut facilement arrêter, qu'il ne veut plus aller à l'école. Elle ne sait pas ce qu'il se passe, il ne veut pas lui dire... Jimmy secoue la tête en signe de dénégation, il n'a jamais dit ça... Elle le secoue elle-même, du coup, puisqu'il a le culot de dire le contraire, et le menace de "le claquer", mimant le geste pour appuyer ses propos... Son regard cruel se reporte sur moi... Elle sait, en fait, pourquoi... Jimmy semble harcelé par la totalité des autres enfants... Certains le tabassent, d'autres le rackettent. Et le directeur, évidemment, fait partie du complot, ce "#######", il ne fera rien. Et puis, J. est un "###########" puisqu'il ne dira rien, mais elle sait.

J'ai abrégé l'entretien... 5 minutes en sa compagnie ressemblaient déjà à une punition, j'imagine à peine ce que subit Jimmy les yeux bleus à la maison... Je suis déjà heureuse d'avoir à la revoir prochainement pour faire le point et lui avouer que visiblement le bonus du soir n'a pas été salvateur et qu'il faudrait redonner sa chance à Jimmy en CE2 l'année prochaine... Quelque part au fond de moi-même, je me dis que je sais bien à présent, ce qui fait de l'ombre au regard si bleu de Jimmy. Pourquoi donc ne suis-je pas Gérard Klein???

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Commentaires
L
et bien pauvre Jimmy ! quelle maman horrible pfff je me doute que vous avez a subir parfois des scenes pareils des enfants maltraités , des parents des eleves qui aggressent les profs ! piouff mais malgres tout cela vous restez ! Merci pour nos enfants mais c dur de devoir laisser un gosse dont on sait ce qu'il va subir a la maison <br /> pfff bon courage a ce petit <br /> biz
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